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Le tombeau de princesse Sarah

La fabrique de malades (extrait)

19 Décembre 2015 , Rédigé par Princesse Sarah sortie du dessin animé ... Publié dans #Pavillons

La fabrique de malades (extrait)

L'ombre du géant plane sur nos têtes . Le géant avait décrété pour Esther le cancer dans trois semaines .Les petites mains y travaillaient le jour .

Et la nuit reposaient les corps .

Et la nuit ripostaient les corps .

Les reflets se brisaient .Les fenêtres de l'hôpital donnait sur le vide .Il restait les gardiens déguisés en malades ,immobiles .Les malades étaient d'os modifiés.Leurs os se déplaçaient.Il y avait un gardien qui changeait de visage.Ses bras raccourcissaient sur demande.Les blouses blanches se bâfraient de poires .Les névrophages battaient la mesure et faisaient teinter la couleur des camisoles verbales.Au géant de convenir d'une punition corporelle.Esther devra attendre ,encore .Elle espère être libérée de sa geôle d'ici peu car elle n'est pas malade.Mais personne ici n'est malade.Ici , on emprisonne les gens pour pratiquer des tests chimiques. On inocule des maladies aux rebus de la société pour les rendre utiles . On distribue des maladies pour emprisonner le monde d'une punition qui se veut divine.

Esther déteste les blouses blanches.Elle a une maladie de l'âme depuis très longtemps.Elle a des rhinites de l'oeil en hiver .Les blouses blanches l'emprisonnent de leurs usines à leurs cabinets bourgeois .Elles envoient des espions liquides dans sa tête, par le biais de la nourriture ,et,parfois ,quand elle ne s'alimente plus ,par des piqûres et par des substances emplissant leurs jolis petits gobelets fluos qu'elles lui font absorber lors du jeu .

Des intrus de toute sorte se promène dans son cerveau . Les blouses blanches n'y sont pas les seules.Certains s'y installent et se font discrets ,d'autres sont volubiles ,parfois agressifs ,et ,rarement ,amusants .Elle a peur car elle a un voleur d'ovules à ces trousses .

Aussi ,elle est en fuite ,fuite malaisée puisqu'elle est surveillée jusque dans ses moindres pensées , faits et gestes .

Elle sait que les comparses du voleur d'ovules sont parvenus à s'infiltrer dans sa tête .C'est le piège tendu par l'éventreur .Elle voudrait se promener à l'air libre .Elle regrette sa liberté évaporée .

Ici, le jardin n'est plus qu'une tapisserie sur le mur de l'unité .

On ne s'ennuyait pas pour autant dans cette hôpital .Quatre fois par jour ,

au petit déjeuner,au déjeuner ,au dîner et au coucher ,était organisé une grande partie de cache-cache ,dans la joie et la bonne humeur .Les gardiens contre les malades .

Esther aujourd'hui avait trouvé une bonne cachette .Elle se glissa dans son placard ,pliée en deux .Jusqu'à l'instant où une patiente la dénonça.Celle ci , obèse ,semblait frustrée de ne pouvoir participer auJeu à cause de sa corpulence ,et écourta la partie en dénonçant les autres .De toute façon ,les gardiens finissaient toujours par gagner .Ils avaient les clefs de chacune des pièces pouvant se fermer de l'intérieur comme de l'extérieur .

Il y avait des caméras miniatures dans chacune des pièces du pavillon ,même , surtout ,dans les toilettes et les douches.Cela permettait aux employés d'observer les sujets en permanence .Ceux ci tentaient de repérer les angles morts pour mieux se faire invisible .

On savait qu'on allait perdre et pourtant chaque jour on réitérait .L'espoir de gagner la partie .Les perdants avaient un gage .Ils devaient prendre des médicaments .Pour les récalcitrants ,cela finissaient par une injection dans le postérieur .Ceux qui ne souhaitaient pas être piqués comme un chien en fin de vie à la SPA se dirigeaient vers le b(o)ur(r)eau des infirmiers dès qu'ils étaient repérés .

Les névrophages compulsivement prescrivaient des milliers de calmants .

Les névrophages donnaient de plus en plus de pilules aux malades de plus en plus malades .

Une fois le jeu terminé ,et la punition administrée ,l'heure du repas était arrivée .Les patients étaient conviés à venir se substanter dans le réfectoire .Il y avait une file d'attente qui menait aux cuisines ,d'où sortaient les plateaux repas ,réchauffés avec amour puis distribués toujours avec amour.

Il y avait du bromure dans la chicorée ,du ghb dans le café ,des calmants dans les pâtes vertes et les salades rouges.

Une autre personne ne participait pas au jeu . Elle s'appelait Aphrodite.On la distinguait par sa manière étrange de manger. Elle mangeait avec les doigts, qu'elle léchait abondamment après chaque bouchée. Elle était tombée amoureuse de la psychiatre qui la suivait, et, pour vivre son histoire d'amour avec cette femme, avait emménagé dans l'unité, depuis maintenant sept ans. Au début, elle avait été internée par sa patronne, qui se plaignait de harcellement .Une fois internée, elle focalisa progressivement son amour sur la personne de son médecin.Tant de gentillesse et de compassion l'avaient convaincu qu'elle était aimée en retour.Madame Provoque en jouait. Elle appréciait d'être adulêe. Cela réconfortait son ego.Mais elle n'aimait pas Aphrodite.Celle ci était un cobaye choyé car elle ne s'opposait jamais aux traitements. Pour elle, ces médicaments que l'on Iui faisait avaler étaient des gages d'amour. Plus il y en avait, plus le bonheur était grand. Son corps se dégradait, sans qu'elle ne se rende compte de rien.

Un jour, comprenant qu'Esther ne rêvait que de s'enfuir, elle lui proposa de l'aider. Elle était persuadée que madame Provoque lui accorderait facilement une faveur, celle de laisser Esther quitter les lieux. Bien évidement , Aphrodite essuya un refus, et fut très vexée . Elle s'imagina alors que madame Provoque la trompait avec Esther et donc , que pour cette raison, elle ne voulait pas Ia laisser partir . Elle décida de se venger . Lors du repas suivant,elle agressa sa rivale, lui plantant une fourchette dans la cuisse .La blessure fut bénigne mais quand même douloureuse . Aphrodite eut droit à une piqûre et fut enfermée dans sa chambre pendant quelques heures en guise de punition . On l'entendait pleurer , crier , supplier son amour de la sortir de là, lui proposant même de ne plus être jalouse, de former un couple libre .Elle souhaitait par-dessus tout ne pas perdre cette relation qu'elle entretenait avec madame Provoque . ll fut décidé qu'Esther s'installerait désormais à une autre table , pour sa sécurité .

Elle se retrouva installée à la table de l'aviateur . Celui ci hurlait beaucoup et souvent , particulièrement au moment du repas . ll ne voulait pas manger . Les infirmiers le forçaient à ouvrir la bouche et y enfournaient les aliments . Ca débordait et ils continuaient , pressant de temps en temps ses machoires pour simuler le mastiquage et préparer une approche pour le faire déglutir, qui consistait en lui boucher le nez . On I'avait surnommé I'oie sauvage pour sa rébellion au gavage . Seule la vue de chiffres le calmait . Esther s'en était rendu compte , un soir, alors qu'elle jouait avec des pâtes dans son assiette . Elle formait des chiffres au fur et à mesure qu'elle les retournait et constata que cela le calmait . L'aviateur appréciait beaucoup ce qu'elle ferait dorénavant pour lui , former des chiffres avec Ia nourriture .Les autres furent contents ,eux aussi,du calme retrouvé ,bien que provisoire.Plus tard, I'aviateur apprendra à Esther que le trafic d'organes est également pratiqué dans cet hospice. ll lui montrera la cicatrice encore mal cicatrisée d'un de ses reins retiré.

ll y a toujours des visites organisées dans la tête d'Esther. ll n'y a plus de place pour elle.Elle étouffe.

Elle voudrait sortir , marcher dans un peu de verdure , pour que le vent balaie ces fantômes hors d'elle et enfin savourer sa solitude .Elle cherche en vain une porte qu'un membre du personnel aurait pu malencontrueusement laisser ouverte, si possible une porte de sortie .

Elle ne sait pas par quelle porte elle est entrée . Elle ne se souvient que de son anniversaire qu'elle était en train de fêter avec sa famille , et des blouses blanches , qui arrivèrent au moment où elle soufflait ces vingt cinq bougies , une seringue à la main .

Un clignement d'oeil plus tard , elle s'était retrouvée dans une chambre d'hôpital .

Elle cherche I'entrée , la sortie .Elle angoisse dans l'unité à l'idée de ne pas savoir si I'on peut en sortir ou non .Comme si l'on avait construit des murs tout autour d'elle lorsqu'elle avait fermé les yeux .

Au début , quand elle se fut enfin décidée à sortir de sa chambre , elle commença à s'aventurer timidement dans les couloirs , rasant les murs .Elle y croisera une femme , trimbalant son encensoir , pour purifier I'air du service , avec qui elle sympathisera.Certains des malades l'effrayèrent .ll y en avait qui hurlaient , d'autres qui avaient des airs violents , prêt à castagner pour vous être trouvé sur leur chemin . ll lui fallut rassembler tout son courage pour explorer les espaces collectifs destinés aux malades .Une fois qu'elle eut repris pied dans ce drôle de décor , elle observa attentivement les blouses blanches ouvrir les portes avec leurs petites clefs . Elles n'ouvraient que des placards . Elle essaya désespérément chacune des poignées de portes . D'abord lentement , regardant à gauche , à droite , devant, derrière elle pour ne pas être repérée , puis de plus en plus rapidement , entraînée par l'angoisse qu'aucune ne s'ouvre .

Arrivée au bout de l'unité , il ne restait plus qu'une seule porte qu'elle n'avait pas encore tentée . Elle pressa la poignée doucement . La porte s'ouvrait, tranquillement .Esther commençait déjà à se mettre en joie quand elle se rendit compte que cela n'était que le placard à balais.Au fond de celui ci,elle aperçu une blouse blanche , le pantalon défait , écrasant une patiente à moitié nue qui pleurait en silence.Esther s'enfuit chercher de l'aide dans les salles communes . Personne ne réagit . Les malades étaient indifférents au malheur de cette jeune fille, comme de tous les autres . Les infirmiers , ayant entendu la conversation , lui répondirent qu'elle devait être fatiguée , et qu'ils en parleraient au médecin.

Ainsi fut fait.

Esther eut droit à une dose de neuroleptique supplémentaire parce qu'ils l'avaient trouvée délirante, et l'agresseur ne fut pas inquiété.Esther regretta de ne pas avoir pris de cours de Kravmaga et Pendue s'était déjà fait une raison . Cela faisait presque trois mois qu'elle subissait ce(ux)la.Elle remercia Esther d'avoir essayé de l'aider et s'excusa d'être responsable de I'augmentation de son traîtement, lui conseillant de ne rien faire pour ne pas être punie plus durement encore .Elle lui raconta comment, la première fois, elle avait visé I'entre jambe de l'agresseur avec son pied .Elle avait alors eu droit à la chambre d'isolement et à une dose massive de calmants , qui avaient retardé sa sortie . Elle était donc impuissante et personne n'y pouvait rien . Esther se sentit mal pour cette fille . Pendue était une jolie demoiselle aux yeux rieurs et aux longs cheveux roux . Petit à petit, ces yeux avaient cessé de pétiller pour se mettre à pleurer . Esther essaya de la consoler comme elle pouvait . C'était une tâche difficile .Elles s'écoutaient l'une l'autre parler de ce qu'elles feraient une fois libérées.Les espoirs de sortie de Pendue avaient peu de chance de se réaliser puisqu'elle avait un ennemi dans le personnel qui avait l'air de vouloir la garder à sa disposition , ne se lassant pas d'elle , ni de la dire complètement malade , si bien que quelques temps après le début de l'amitié naissante entre elles deux , Pendue se pendit à la clenche de sa porte avec un foulard , foulard qu'un anonyme qui l'avait prise en pitié avait abandonné dans sa chambre .

Personne ne se douta de qui il s'agissait .

C'était la seule solution pour Pendue , Ie coupable étant intouchable.Esther fut soulagée en apprenant son suicide . ll mettait fin au calvaire de Pendue, qui arrêtait ainsi de souffrir .

A cet instant , Esther réalisa que cela serait plus difficile de sortir d'ici qu'elle ne le croyait . Elle ne pouvait plus espérer qu'une porte fut laissée ouverte par inadvertance . ll allait falloir la jouer serré , surtout , avoir l'air calme , normale , remerciante du mauvais traitement que lui prescrivait Madame Provoque . Elle cacha aussi ses douleurs physiques , cette douleur qui la prenait au ventre , là où l'éventreur l'avait ouverte . Elle luttait pour se tenir droite , I'air de rien . De temps en temps , elle se courbait , serrant son ventre contre elle . La dame à l'encensoir s'en rendit compte . Elle expliqua à Esther qu'elle était magnétiseuse et lui expliqua comment venir à bout de ces douleurs . Elle entreprit la re-couture du corps d'Esther. Une fois ceci fait , elle aspergea de l'eau bénite un peu partout dans l'unité avant de disparaître .Elle n' était apparemment pas venue librement mais pouvais partir quand elle le voulait .

Madame Provoque cherche des raisons noblement des causes pour garder Esther entre les murs de la prison dont elle est la gardienne.

Madame Provoque , la geôlière ne tremble pas .Monsieur Sixmère non plus . lls sont plus nombreux et ont beaucoup plus de pouvoir qu'Esther .L'arsenal dont ils disposent est conséquent .

L'innoculation du cancer en Esther est à un stade avancé . Elle attend toujours la fin de la séquestration . Elle a mal à cause des aiguilles visibles et invisibles qui la transpercent de part en part .

Elle se promène dans le parc de la prison . Elle y est autorisée depuis qu'elle a accepté I'idée d'avoir toujours tort toujours raison.

Assis à une table du jardin l'attends le fantôme du tarologue illuminé . Elle s'installe en face de lui .Commence le tirage . Le taromancien déplit le jeu : 12 cartes disposé en demi soleil . Faces visibles , onze carte blanchâtre , et la dernière , le mat , le détachement de la matière .

Esther est une drôle de cendrillon . Une cendrillon qui collectionnerait les pantoufles de verre brisées . Elle n'as pas vraiment le choix . A chaque fois qu'elle essaie d'enfiler une paire de chaussures elle se brise , une veine de sa cheville s'ouvre et se déverse sur le sol .

On voudrait faire d'Esther une poule à qui I'on volerait ses oeufs . Une bonne vache à lait . Une plante . Un légume . Un somnambule que I'on téléguiderait . Une petite marionnette .

Elle s'enfuie.

La veine saigne .

Les morceaux de verre s'enfoncent dans la plante de ses pieds . Les racines arrachées , on lui a déjà volé deux ovules .Poursuivie , elle sait qu'elle ne peut aller bien loin .

Déià tenté , de s'enfuir de son HDT.

Rattrapée , piquée, attachée, camisolée, isolée, une punition qui traîne et une hospitalisation longue durée . C'était arrivé en Alsace-Lorraine . Jury . lls s'y étaient mis à plusieurs . Avaient enlevé une grande fenêtre de verre , la seule , sans barreaux . ll n'y avait pas eu assez de chambre d'isolement pour la punition dans le pavillon . Alors on avait disséminé les évadés du secteur dans tous les pavillons où il restait de la place , et il y en avait des chambres d'isolement dans cet hospice, tout avait été prévu pour pouvoir punir allègrement les deux tiers de la capacité en lit car par là bas , on aimait punir les fous . Dans ce pays là , d'ailleurs, on les gardait bien plus longtemps qu'à l'accoutumée , que dans les hopitaux classiques .

Il est indiqué que le plus agréable est bien celui de Nantes , ville qui bénéficie aussi du collage ville la plus agréable de toute la France , avait dit à Esther un de ces compagnons de pavillon avant la tentative d'évasion .

ll connaissait bien ce mouroir perdu en campagne , où l'on isolait les personnes sensibles. Aussi , il avait refusé la proposition de participer à cette évasion , sachant qu'ils seraient rattrapés tôt ou tard , et il connaissait déjà la punition .

Les fantômes se multiplient dans la tête d'Esther . comme si son esprit était un monstre de foire .

Après tout cela , elle ne pouvait plus coordonner les mains et la tête . Les espions se mettait à diriger les mains et Esther ne contrôlait plus rien .

Dans sa tête , des gens s'y arrêtent boire un café ou une orangeade , parfois y fumer une cigarette .

ll y a des discussions , des disputes , et souvent un sentiment de gêne .

On aimerait tous que les visiteurs se fassent tout petit jusqu'à disparaître .

Parfois ces passagers aident Esther à retrouver son chemin , mais bien souvent I'entraîne un peu plus loin dans le labyrinthe.

Pour sa liberté surveillée , Esther se dépose dans un café , où elle joue les équilibristes et tombe maladroitement à la renverse. Elle vacille entre trou de souris et terre plein, se trompe de sonnette et se retrouve souvent au début du labyrinthe.

Une guérisseuse, parcheminée,passe ici et là pour déposer ses filets afin de lui éviter une mort certaine , emplie de ces mauvaises ombres . ll reste de nombreux pièges à démonter , à détourner .

Cela semble long à entreprendre . Une montagne à déplacer , pierre après pierre ,

pour sortir du tombeau des ensevelis et retourner vers la vie . Retirer les crocs des vampires et respirer à nouveau , leur serrer la main et repartir ailleurs pour une autre vie .

Esther attend le jugement du tribunal des rêves et de la réalité .

Elle ne sait quand il aura lieu .

Toujours est il que les jours défilent et que les sons de cloches I'effraient .

Nombreux seront les témoignages car beaucoup sont d'accord pour lui donner tort. Parce que le tribunal étalera ces évènements malheureux , Esther plonge dans les méandres de sa rnémoire . Passé d'errance et de dêsespoir. cauchemars et temps évaporé.

Les lieux habités devenaient lieux de frayeurs et de terreurs nocturnes.

Les espaces devenaient une expansion de nulle part , une expression du néant . ll restait la faculté de silence et d'obéissance .

L'acceptation et I'attente de la rétraction du vide .

Elle attendait, calme, le corps rougi, que les nuages passent .

Une page noire de chair déchirée , gelée, du coeur désagrégée , et d'esprit désabusé , qu'elle voudrait tourner . Les larmes ont cessé de couler depuis bien longtemps déjà . Le jugement approche tous les jours un peu plus . Esther ne tient plus très bien sur ces pieds, tiraillée de tout part et ne rêvant que de fuite. Elle est ensorcelée , poursuivie par des hypnotiseurs fous qui rendent le travail de Parcheminé difficile . Elle tombe souvent et se trompe de cible , de direction . Elle est face à un puzzle difficilement et douloureusement recomposable . La souillure a débordé . On se demande si cela n'est pas voué à l'échec . On se demande quel intérêt cela peut avoir si ce n'est peut être prouver son innocence .

Pourquoi ? Pour qui ?

Son procès lui importe peu . L'image qui lui reste d'elle même lui est indifférente , ainsi que celle projetée dans l'oeil d 'autrui . Le miroir ne reflète plus qu'une silhouette fracturée . Son chemin à elle n'est plus qu'une nuit obscure . La lumière lui est interdite .

ll fait froid et les difficultés s'accumulent .

Ainsi commença le funambulisme saugrenu des nouvelles errances d'Esther.

Esther est sortie de I'hôpital enfin. Elle a retrouvé son petit appartement en désordre. Les objets se sont déplacés . Des gens sont entrés et ont fouillé l'appartement .

Elle ne retrouve rien à sa place . Peut-être sont ce les gardiens de I'hôpital à qui elle a du laisser ses clefs à I'entrée. Elle est surveillée. Il y a des caméras miniatures cachés dans chaque recoin de son studio . Les gardiens I'observent . Dans sa tête , les voix continuent . Elle a des douleurs dans le corps . EIIe est parfois obligée de s'allonger des heures durant en attendant que la douleur passe . Aujourd'hui ce sont les reins qui lui font mal . Elle sent les caméras la regarder et contempler sa douleur sans qu'aucun des voyeurs ne réagissent ni ne fassent le moindre mouvement pour I'aider . Elle ne supporte plus ces regards indiscrets .

Elle décide de sortir .

Elle traine un corps devenu lourd . Elle marche à petits pas serrés à travers la ville. La nuit tombe . Les rues sont sales et nauséabondes . Le sol est jonché de sacs poubelles éventrés et plus loin des clochards fouillent en espérant trouver de quoi faire un repas pour le soir . Esther erre dans les rues. Elle ne veut pas rentrer chez elle. Elle ne veut pas être observée comme un animal en cage. Elle ne veut pas être un cobaye pour quelque chimiste fou . Elle fuit déjà le voleur d'ovules , et maintenant les médecins de l'hôpital . Elle marche toujours et commence à fatiguer quand elle aperçoit une porte entrouverte . 13 , rue du château. Ce numéro et ce nom de rue I ' intriguent . Un château hanté pour une princesse perdue . Elle décide d'entrer . Devant elle se dresse un petit escalier en colimaçon . Les marches sont raides et étroites . Elle arrive enfin au dernier étage , où se trouvent les greniers . Le premier est fermé par un gros cadenas , le deuxième aussi . Le troisième est ouvert . Elle entre et se retrouve dans une pièce de dix mètres carrés . ll y a un vieux canapé aux coussins crevés et quelques cartons entassés . Elle décide de s'installer là pour la nuit et s'allonge dans le canapé quand quelque chose lui rentre dans le dos . Elle se retourne et trouve un livre sur lequel est écrit :"la fabrique de malades"Le nom de l'auteur indiqué est le tarologue illuminé .Aussitôt, elle entreprend la lecture du livre, intriguée . Cela m'aidera peut être à trouver le sommeil , se dit elle . Elle ne savait pas encore que ce livre la tiendrait éveillée toute la nuit , jusqu'à ce qu'enfin elle en aie lu le dernier mot ."Eponyme avait connu des tortures très jeune , elle aussi .Surveillée , elle , par sa famille .Leurs membres masculins abusaient d'elle .Elle était musulmane . Ils étaient musulmans , eux aussi .Parait - il .Un jour , montrant sa chevelure rousse à une de ses petites voisines , elle fut punie . "Esther se reconnu dans la petite voisine ."Elle fut punie .Sévèrement .Une bonne rouste ne lui ferait pas de mal , pensaient ils sûrement .Etais ce parce qu'elle avait montré ces cheveux devant d'autres personnes une malheureuse fois ?Ceux-là s'acharnèrent .Cela devint continuel .Vers sa quinzième ou seizième année sur ce territoire , on raconta partout qu'elle était morte anémiée . Dans un hôpital .Ou peut être allait elle mourir , anémiée nous ne saurons point , au pays , c'est certain ."

Esther cligne des yeux un instant , s'assoupit peut être deux , ou fait elle déjà un cauchemar ?Elle rouvre les yeux , puis reprends la lecture à son commencement .

"La fabrique de malades"

" Enfant , déjà , Pendue , avait souffert .Ils était grands . Ils étaient forts , déjà .Une autre petite fille lui dit : "imagine que c'est le visage de celui que tu aimes quand il te viole" .Elle essayait de se cacher dans la petite maison .Rien n'y faisait .Il avait fallu cacher .Le père cognait , la mère étouffait.Elle rêvait de se réincarner en ours polaire , car dans un documentaire animalier , on racontait que la mère protégeait les petits ours des dangers de la vie .Elle somatisait de toutes les manières possibles et imaginables .Adulte , cela empirait toujours .Elle fuit le quartier , la ville , la région , puis un jour fuirait le monde .Elle aurait aimé se cacher dans un couvent où trouvaient refuge il fut un temps les demoiselles brisées où on achèverait de les torturer, l'apprendrait elle ultérieurement.Elle ne trouvera pas refuge dans cet hôpital .Ils avaient pourtant essayé de l'en convaincre lors de cette première et dernière hospitalisation forcée .Motif : péril imminent .Elle fut enfermée 3 mois avant de mettre fin à ses jours .

Enfermée.

Lui aussi était plus fort .En plus , avec sa blouse blanche , il avait plus de droits que cette pauvre pendue .

Le jardin n'était plus qu'un vieux souvenir .

Surveillée , elle se termina ainsi , pendue à la clanche de la porte de sa chambre , à l'aide d'un foulard abandonné.Peut être est-ce bien de cette façon , qu'elle trouva un refuge éternel ."

Esther se demande si c'était la Pendue qu'elle avait connue dans cet hôpital .

Esther se demande quel était ce drôle de livre dont le texte se modifiait à chaque fois qu'elle le lisait . Esther se demande s'il s'agit de la réelle biographie de Pendue , qu'elle connut un si court instant .Dormait - elle ? Avait elle des visions du passé ? Elle cligna d'un oeil , puis de l'autre , puis des deux en même temps .Elle s'installe différemment sur le canapé et se décide à reprendre la lecture à son commencement .

"La fabrique de malades"

Un livre du " tarologue illuminé " présenté par "Esprits ... êtes vous là ?"

"Enfant , Esther était une personne silencieuse. Elle parlait peu et jouait souvent seule dans le parc . Elle n'avait pas beaucoup d'amis . Son père avait des ancêtres coupeurs de tête et sa mère descendait des petits poissons d' Alaska ."

Esther s'étonne .

Elle avait reconnu sa biographie , celle qu'elle s'était inventée enfant . Elle continue la lecture du livre en diagonale , pressée et inquiète à la fois .

"A l'âge adulte , les années passaient , et son livre de chevet était toujours " Les vagues " de Virginia Woolf . Elle l'empruntait en moyenne une année sur deux à la bibliothèque du quartier pour le relire inlassablement . Il y avait aussi "la mort de la phalène " qu'elle appréciait particulièrement . "

Toujours juste . Trop juste .

"Il découpa son ventre sur la longueur par deux fois et en retira deux ovules . Ces ovules seraient destinés à être contaminés par des substances masculines mâles pour fabriquer des enfants sous couveuses du début à la fin de la gestation et éventuellement génétiquement modifiés . "

Esther tâte sa cicatrice du haut vers le bas de son ventre .

" Les enfants naissent sous une porte de verre comportants plusieurs compartiments . Les enfants peuvent se voir , par contre ils ne peuvent ni s'entendre ni se toucher . Dans chaque compartiment il y a un lit , un bureau et un boulier qui s'élèvent en fonction de la croissance des enfants , tout comme les plafonds de la porte. Ces enfants deviendraient les Machines de l' oeil , ainsi formés ."

" Sous la porte ils sont huit , pour huit compartiments . Trois d'entre eux ont l'ADN d'Esther . "

Esther sursaute .

"Le local où se situait la Porte était aussi le lieu de réunion du Club des Cloneurs , réunions où se réunissaient cloneurs et savants fous qui cherchaient à faire recette de leurs activités . On pouvait y accéder par deux entrées : une porte de la cave de la salle de réunion d'une ancienne librairie abandonnée , et une porte de l'arrière salle des pompes funèbres situées à côté d'un centre hospitalier ."

A la lecture de ces mots , Esther referme le livre et se mit à réfléchir . Elle se mit en tête de s'infiltrer dans le labo pour kidnapper les bébés clonés et les libérer de ces chercheurs fous . Elle rouvre le livre.

"Elle chercha les coordonnées de la secte qu'elle trouva bien évidemment sur le web .

Elle téléphona ...

Et la voilà partie pour une réunion du Club des Cloneurs ."

Esther frappe à une porte . Cela faisait trois fois qu'elle faisait le tour du pâté de maison , et la porte était finalement réapparu . Il s'agissait d'une porte protégée d'un bouclier invisible . Ainsi , le numéro de la rue apparaissait et disparaissait au gré du bon vouloir du chef de réunions , chef qui changeait chaque semaine .

" Juste pour aujourd'hui , je clonerai mon prochain ..."

C'est la dix-huitième fois qu'elle lit le livre " La fabrique de malades " .

" On commençait à lui faire confiance . Ce soir , elle apprendrait où trouver une clef du laboratoire et avoir la véritable adresse de ce lieu . Il lui avait fallu potasser pendant des heures entières ce livre du tarologue illuminé . Il lui en avait fait voir de toutes les couleurs . Lui avait donné des adresses erronées dans différentes villes . Il avait joué avec sa tête en remuant des souvenirs du passé . Mais cela était fait . Elle avait gagné sa confiance .Elle allait avoir les clefs . Elle allait pouvoir libérer les huits enfants clonés ."

Elle a enfin le double des clefs . Son plan était prêt depuis longtemps déjà. Elle reviendrait cinq semaines plus tard libérer les huit bébés .

Ainsi fut fait . Mais cela n'est pas huit nourrissons , mais huit colonies de bébés qu'elle libéra le jour là . Huit milles poupons en couches sâles hurlants et rampants .

Elle se contente d'embarquer uniquement ses trois rejetons et laisse les autres pulluler dans les rues de N. bientôt rattrapés par le personnel d'un orphelinat , bien content de pouvoir à son tour refourguer les enfants en tant que cobayes à un autre laboratoire moyennant finances .

Esther sait ce qu'il adviendra d'eux mais cela ne fait même pas venir la moindre goutte à son oeil .

Elle arnache les trois enfants dans sa petite voiture crème , et les voilà se balladant à travers les petites routes de France . Ils arrivèrent jusqu'à O. après avoir fait quatre fois le tour du massif central pour s'installer à la terrasse d'un bar , et ce en plein hiver . Là , il prit à Esther de rouvrir le fameux livre " La fabrique des malades " ...

Elle se surprend à lire et relire l'épilogue à plusieurs reprises aux cours de sa vie , les enluminures de cette vie se modifiant en spirale :

"Sur la terrasse du café du soir , elle fut rattrappée . Un snipper envoyé par la police , sous les ordres du laboratoire , la visa de sa seringue soporifique . Son cerveau sera lavé et elle oubliera tout . Les enfants seront récupérés et enfermés à nouveau sous une Porte un peu mieux gardée ..."

" (...) Sur la place de l' Eglise , elle fut rattrapée . Une blouse blanche envoyée par le préfet , sous les ordres du laboratoire , la visa de sa seringue soporifique . Sa cervelle sera retravaillée et elle oubliera une partie du passé (...) "

" (...) Sur le boulevard Saint Clément , elle fut rattrapée . La seringue injectée lui modifia à nouveau le reste de sa conscience . (...) "

Esther est enfemée dans une unité psychiatrique , une fois de plus . Elle erre dans les couloirs et manque de tomber à la renverse en s'appuyant sur une porte . C'est la porte d'un placard . A l'intérieur , il y a une bibliothèque . Elle prend un livre au hasard .

" La fabrique de malades " annonce encore la couverture ...

" Esther est enfermée dans une unité psychiatrique . Cette fois , le Livre est parvenu jusqu'à l'unité . Un message des machines de l'oeil , tes enfants , Esther , parvenu jusqu'à toi ...

(NdA : Ha ha ha! Qu'est ce que tu nous fait rire , Esther ! Mais non , ils ont tout juste 6 ans , tes enfants ! Ils apprennent à lire cette année ! )

Les machines de l'oeil sont des médiums dressés depuis la naissance pour la voyance et le magnétisme afin d'être observés puis reconstitués en logiciels numérisés afin de rendre plus performant le contrôle de notre petit monde infaillible de l'oeil . Les éditions de l'oeil jouent avec le rat enfermé dans le labyrinthe gigogne ... Oui , Esther , nous pourrions te libérer ... Mais c'est le jeu ... Tu dois t'en sortir seule avec pour unique aide la faille que nous sommes dans le miroir ... Nous avons mis une forte concentration d'acides dans les berceaux , il y a un temps ... qui s'est fixée dans leurs cerveaux .

Des intrus de toute sorte se promènent dans leurs têtes. Nous testons , nous inoculons l'idée délirante de la médiumnité ... Parle et tu sera camisolée de nouveau ... Tu fais partie d'un programme d'expérience pour sécuriser le monde de l'oeil , c'est pourquoi nous t'avons écrit ce livre . "

Ce fut le dernière fois qu'elle lu le Livre . Après cette révélation, les pages restèrent pour elle blanches à tout jamais . Il ne restait que le titre sur la couverture , qui se modifia pour devenir la fabrique de malades , titre qui ne s'effacera pas de ce drôle de livre.

A ce moment précis entre les blouses blanches infirmes hier dans la pièce .

Esther lâche le livre qui tombe à terre .

Elle n'est pas venue prendre la potion rose il y a soixante - cinq minutes maintenant .

On lui injectera donc la double dose dès à présent .

Cela sera demain la dose triple .

Et après demain la potion quadruple .

Qui la changera en femme de pierre .

On trouva un jour dans le Livre ces quelques mots griffonnés au crayon de papier par la main d'Esther :

"Esther , depuis le commencement de cette narration , savait bien que tout était faux . Elle savait bien qu'aucuns bébés n'avaient été clonés . Mais les psychiatres lui posaient tellement de questions !

Voilà ce qu'elle révélera un jour à une blouse blanche qui avait su gagner sa confiance .

Un jour elle s'était retrouvée là , entre leurs murs . Et ils avaient commencé à la harceler . Alors il lui avait fallut exprimer cette histoire , cette fabrique de malades surveillés , il lui avait fallut inventer un délire pour qu'ils acceptent de la laisser partir de l'enceinte de cette prison bourgeoise . Elle avait trouvé une manière d' accorder cette vision du monde qu'elle avait et le délire qu'ils attendaient d'elle .

Ainsi , elle retrouva sa liberté et pu sortir de l'enceinte de l'hôpital psychiatrique .

Elle avait atterri ici car elle avait été une sorte de Pendue , elle aussi . Elle s'apprêtait à faire rouler la corde , ou en envoyer un dans l'enfer carcéral , du moins l'avait il songé .

Alors voilà . Il s'était avéré plus simple de la faire passer pour dingue . Cela faisait plus de six ans maintenant .

Et cela recommençait .

Cycliquement , on abusait d'elle de manières diverses et variées , et ces fois suivantes , ce serait son entourage familial et amical qui continuerait à tirer parti de cette maladie inventée par un pointeur, et parmis eux pour de similaires activités à leur actif.

Après toutes ces péripéties , il est vrai qu'elle était devenue un peu étrange , ou plutôt étrangère au monde .

 

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